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Transformez vos produits en services !

La grande vague d’innovation que nous connaissons actuellement présente une opportunité exceptionnelle pour la TPE ou la PME : elle lui donne les moyens de transformer ses produits en services ! Intérêt ? Renforcer sérieusement la relation client et surtout assurer des revenus réguliers. En ces temps d’incertitude, c’est inespéré !

Un entretien avec Pascal Vergine, un militant de la transformation de la PME !

Quel est votre métier ?

Ma spécialité est la transformation de modèle économique. J’interviens de trois façons.

Lorsqu’une entreprise est en difficulté, je mène des « actions classiques » pour redresser sa rentabilité, en urgence. Baisser les coûts, augmenter les prix, optimiser les délais de paiement (en particulier exiger le règlement des impayés !), etc. Cela permet de rendre confiance aux banquiers, et de gagner du temps. Mais c’est, pour beaucoup, « mettre la poussière sous le tapis ».

Mon second type d’intervention concerne le modèle économique de l’entreprise. Il s’agit de prendre en compte « ce qui se fait de mieux » dans le secteur. Cela porte sur les processus de production, bien sûr. On peut obtenir des gains rapides. Mais ils sont relativement faibles. Le plus rentable à long terme est de revoir la ligne de produits et l’organisation de l’entreprise.

En France, il est habituel qu’un dirigeant ait l’idée d’un produit après deux ou trois « discussions avec des amis ». Il développe le produit. Et, alors, il découvre que le marché n’achète pas ! Et il blâme le commercial !

Autre cas de figure classique. Son bureau d’étude conçoit un prototype, trouve des fournisseurs. Mission accomplie. Mais lorsque les clients arrivent, l’entreprise et les fournisseurs ne sont pas capables de produire. Faute d’avoir coopéré avec le bureau d’études, ils ne sont pas prêts !

Que faire ? Dans le premier cas, faire une réelle étude de marché, qui conduise à un plan marketing « dans les règles de l’art » (« 4P du marketing mix »). Dans le second, « mode projet » : intégrer toutes les parties prenantes concernées à la conception et à la mise en œuvre du projet.

Mon dernier type d’intervention est la « réflexion stratégique ». Aujourd’hui, la plupart des entreprises ont pour modèle économique la fabrication de produits. C’est dangereux. Que leur arrivera-t-il si, pour telle ou telle raison, ils ne se vendent plus ? La solution est le service. Au lieu de vendre un produit, vendre un service. Dans ce domaine, il y a énormément à faire !

Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à cette question ?

Je suis un ingénieur avec des formations en business et administration. J’ai travaillé dans l’automobile, d’abord dans la gestion de projet, puis dans le marketing, ce qui m’a fait comprendre tour à tour l’importance du business plan et du modèle économique. J’ai d’ailleurs travaillé très tôt sur les questions de service « just in time ».

Une de mes expériences m’a fait prendre conscience que le modèle économique de nos industriels n’était pas résilient.

Lors de la crise de 2008, je travaillais pour une grosse ETI. Mon objectif était de rapporter 40m€ de contrats. J’en ai rapporté 70. Pourquoi ? Notre concurrent avait fait faillite. C’aurait pu être nous. Mais, lorsque mon patron est allé demander du financement à sa banque pour pouvoir acheter le matériel nécessaire à la réalisation de ses commandes, non seulement elle a refusé, mais elle lui a demandé de réduire ses effectifs. Ce pourquoi, d’ailleurs, elle n’était pas prête à lui apporter un financement !

Voilà pourquoi un modèle économique reposant sur le produit est dangereux !

Aujourd’hui, il se pose un nouveau problème. L’inflation. Jusque-là, on était dans une forme de déflation industrielle. Les donneurs d’ordre avaient pris l’habitude de demander des gains de productivité annuels. Or, on a vu que Renault avait augmenté ses prix. Les fournisseurs doivent apprendre à répercuter les hausses de leurs coûts. Ils doivent apprendre à négocier. En particulier, ils doivent prendre conscience que la main d’œuvre des pays de l’Est augmente beaucoup plus vite que la nôtre, et qu’il devient de plus en plus justifié de prendre des fournisseurs locaux. Le dirigeant doit apprendre à être moins timide !

Un exemple d’intervention ?

Une PME de 50 personnes, dans l’outillage.

J’ai appelé ses clients en leur disant : bonne nouvelle, nos tarifs n’ont pas augmenté ; nous avons des stocks, voulez-vous en profiter, au prix actuel, avant que nous ne procédions à une augmentation ?

Cela nous a permis d’annoncer l’augmentation, sans prendre le client par surprise. Et d’orienter sa demande vers nos stocks. D’où une amélioration de nos marges. Les comptes sont revenus à l’équilibre, avec la confiance du banquier.

Mais, cela ne peut pas marcher longtemps. Comment augmenter durablement le chiffre d’affaires ?

L’entreprise avait pris le virage des objets connectés, mais n’offrait pas de services.

J’ai monté un service d’étalonnage annuel des appareils, avec un partenaire RFID et un transporteur.

J’ai aussi proposé à un fabricant de turboréacteurs une assistance au montage. Avant, les gens faisaient leur vie au sein d’une entreprise, ils connaissaient parfaitement leur travail. La main d’œuvre est devenue volatile. La maintenance devient difficile. Par exemple celle des turboréacteurs, qui demandent le respect de couples de serrage spécifiques. Il faut guider les opérateurs, les assister. Pour ce faire, j’ai eu l’idée de reprendre le concept des casques des pilotes de chasse. L’opérateur porte des lunettes qui le guident par alignement de croix sur des carrés. Les lunettes utilisent un système d’intelligence artificielle originellement conçu pour détecter des rayures, qui peut donc distinguer différents types de vis. Et tout cela est français !

Qui sait ? si Boeing utilisait les lunettes et les outils de la société en question, ses avions perdraient peut-être moins de portes…

En mélangeant des techniques, il y a des foules de services à inventer avec de belles profitabilités !

Transformez vos produits en services !

Ce qui vous demande de faire une veille technologique ?

J’écume les salons ! Électronique, objets connectés, deep learning, intelligence artificielle, blockchain, RFID, etc. Je me demande, à chaque fois que je découvre quelque-chose de neuf, comment je peux l’intégrer à l’offre de mes clients pour augmenter les revenus récurrents, les abonnements comme des services de maintenance prédictive, des contrats de disponibilité, ou d’étalonnage, ou d’assistance aux opérations du client.

Je fais aussi attention à la conception des produits eux-mêmes pour favoriser l’économie circulaire et donc les 4R : Robustesse, Réparabilité, Refabrication, Recyclage. Comment ? Par exemple, dans le cas des cartes électroniques, et par fonctions, j’essaie dans la mesure du possible de séparer les composants électroniques ayant une forte obsolescence, de ceux qui ont des taux de défaillance élevés (faible Mean Time Before Failure), de ceux qui sont robustes et basiques.

Cette approche permet à terme de louer les produits et de les réutiliser en les mettant à jour des dernières innovations ou d’augmenter leurs durées de vie… Je m’inspire des success stories du type Vinted, Back Market… je sens l’air du temps.

Quel est le champ d’application de vos services ?

J’ai travaillé pour des multinationales, des ETI et des PME, et même une start-up. Les applications sont très larges : j’ai travaillé sur des turboréacteurs, des systèmes de conversion et transport d’énergies renouvelables, automobiles, de pressings industriels… !

Le fil conducteur ? Les systèmes dans le secteur manufacturier, l’électronique, les machines tournantes, l’intégration de nouvelles technologies (ce qui se fait par l’ajout de couches successives !)…